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Les prix littéraires

Les voici ! Quelques semaines après la rentrée littéraire : les récompenses ! Car l’automne n’est pas seulement synonyme de feuilles mortes. Les pages des romans, elles, sont pleines de vie. La rentrée littéraire, comme la rentrée scolaire, a lieu en septembre et les prix fleurissent dans la foulée.

C’est du moins le cas des principaux prix français. Goncourt, Renaudot, Médicis, Femina ou Interallié, pour ne citer que les plus célèbres, présentent leur première sélection en septembre, une deuxième, voire une troisième en octobre, pour une proclamation de l’heureux primé fin octobre ou début novembre. Ailleurs qu’en France, les prix sont plutôt distillés tout au long de l’année.

Se distinguer

Mais qu’est-ce qu’un prix littéraire ? C’est une distinction remise pour une œuvre littéraire particulière par une institution publique ou privée, une association, une académie, une fondation, ou encore par des individus. Je vous invite à consulter l’article de madmoiZelle qui s’est penché sur la raison d’être de ces prix. Je vous propose quant à moi un petit aperçu des principaux prix français, histoire de pouvoir s’y retrouver.

Goncourt, le plus convoité

goncourt

Le Goncourt vise à récompenser « le meilleur ouvrage d’imagination en prose, paru dans l’année ». Décerné depuis 1903, il a été créé par le testament d’Edmond de Goncourt de 1892, mais met en œuvre une décision des frères Goncourt prise dès 1862.

À l’origine, la récompense était de 5 000 francs. Dévaluée au fil du temps, elle n’est plus aujourd’hui que de 10 euros. Il reste cependant le plus célèbre et par là même le plus convoité des prix. Il engendre en effet des ventes énormes, donc des droits d’auteurs conséquents pour l’auteur et, bien sûr, un gain important pour l’éditeur.

Femina, le féministe plein de contradictions

feminaLe prix Vie heureuse – devenu ensuite prix Femina – a été créé en 1904 par vingt-deux collaboratrices du magazine La Vie heureuse. Il se voulait une contre-proposition féministe au prix Goncourt, avec son jury d’hommes qui consacrait des hommes.

Le féminisme ne sera cependant pas de mettre en avant les auteurs féminins, même si beaucoup de femmes ont reçu la récompense. Un homme est en effet primé dès la deuxième édition. Sa particularité est donc seulement d’avoir un jury exclusivement féminin.

Contrairement au Goncourt, il ne récompense pas que des romans, mais aussi de la poésie. Cependant, malgré son opposition initiale au Goncourt, beaucoup d’ouvrages se retrouvent dans les deux sélections. Une certaine compétition s’installe entre l’annonce du Femina et celle du Goncourt, le favori pressenti pour l’un recevant l’autre… Un accord est ainsi conclu en 2000 entre les deux jurys pour que l’ordre d’attribution des deux distinctions alterne d’une année sur l’autre.

Autre contradiction : alors que le magazine La Vie heureuse était concurrent du magazine Femina, les deux s’associent à la fin de la guerre de 1914-1918 pour faire perdurer le prix. C’est ainsi que le prix fondé par La Vie heureuse prend le nom Femina-Vie heureuse puis, en 1922, uniquement celui de son concurrent.

Renaudot, l’autre Goncourt

renaudotLe prix Théophraste Renaudot a été créé en 1926 par des journalistes et critiques littéraires attendant les résultats du Goncourt. L’attente était en effet souvent longue, et le travail des journalistes commençait seulement après, pour rencontrer le lauréat et écrire leur article. Certains ont ainsi décidé de manger ensemble avant l’annonce du lauréat, et de là est venue l’idée de décerner eux-mêmes un prix. Ce dernier prendra le nom de Théophraste Renaudot, premier journaliste officiel en France.

L’annonce du résultat a lieu simultanément et au même endroit que le Goncourt. Pour éviter de récompenser le même lauréat que le Goncourt, deux livres sont désignés. On dit souvent que le Renaudot répare les éventuelles injustices du Goncourt.

Interallié, en attendant le Femina

De la même manière que le Renaudot a été créé par des journalistes dans l’attente du Goncourt, l’Interallié a été créé par d’autres journalistes et critiques attendant la proclamation du Femina, cette fois en 1930. Ceux-ci déjeunant au Cercle de l’Union interalliée à Paris, le terme « Interallié » est choisi pour désigner le prix.

Historiquement, le prix est attribué par des journalistes à un journaliste ayant publié un roman dans l´année. Le jury est toujours composé de dix journalistes accompagnés de l´auteur primé l´année précédente, mais la règle voulant que le prix soit attribué à un journaliste a été abandonnée depuis longtemps.

L’Interallié et le Renaudot sont des prix honorifiques, sans aucune récompense pécuniaire.

Médicis, pour un renouveaumedicis

Le prix Médicis a été fondé en 1958 par Gala Barbisan et Jean-Pierre Giraudoux. Sa mission : « couronner un roman, un récit, un recueil de nouvelles dont l’auteur débute ou n’a pas encore une notoriété correspondant à son talent ». Les fondateurs ont voulu promouvoir les jeunes auteurs au style novateur.

Auparavant attribué en même temps que le Femina, il l’est maintenant deux jours plus tard ou deux jours plus tôt.

Le Prix de l’Académie française

academieLa saison des prix commence traditionnellement par la remise du Grand prix du roman de l’Académie française. Créé en 1914, le prix de la prestigieuse institution récompense « l’auteur du roman que l’Académie a jugé le meilleur de l’année ».

L’Académie décerne également d’autres prix. Le Grand Prix de Littérature, créé en 1911, couronne l’ensemble d’une œuvre littéraire. Depuis 1980, il n’est plus décerné qu’un an sur deux, en alternance avec le Grand Prix de Littérature Paul Morand. Celui-ci, créé en 1977, est destiné « à l’auteur d’un ou plusieurs ouvrages remarquables par leurs qualités de pensée, de style, d’esprit d’indépendance et de liberté ».

Les « produits dérivés »

lyceensD’autres prix, dérivés de ces prix prestigieux, ont vu le jour. Le Goncourt des Lycéens est sans doute le plus célèbre. Il engendre aujourd’hui plus de ventes que son grand frère. Il a été créé en 1988 par l’enseigne commerciale Fnac en collaboration avec le rectorat de Rennes et sous la bienveillance de l’Académie Goncourt. Le jury est constitué de 2 000 élèves, la sélection des romans est effectuée par les membres de l’Académie Goncourt.

Il existe aussi un Goncourt de la Poésie, de la Nouvelle, de la Biographie, de la Jeunesse et du premier roman.

Le même jour que le Médicis sont décernés le prix Médicis étranger et le prix Médicis essai. Un prix Renaudot de l’essai, un prix Renaudot du livre de poche et un prix Renaudot des lycéens ont aussi vu le jour, tout comme le prix Femina étranger, le Prix Femina de l’essai et le prix Femina des lycéens.

Une multitude de récompenses

Je n’ai abordé ici que les prix les plus connus, mais il en existe de nombreux autres. J’aurais pu parler du prix Décembre ou du Prix de Flore, qui ont eux-aussi une certaine renommée.

books-2630076_640Certains prix récompensent des œuvres dans des domaines particuliers, comme le Grand prix de l’Imaginaire (initialement Grand prix de la science-fiction française), le tout jeune prix Vendredi (pour la littérature ado) ou encore les prix d’Angoulême pour la bande dessinée.

Si une petite partie d’entre eux ont une portée nationale, beaucoup sont de moindre ampleur : les prix des concours littéraires, des comités d’entreprise, des médiathèques… La France serait le premier pays au monde en termes de nombre de distinctions littéraires.

Mais bien sûr, la France n’est pas le seul pays francophone, loin de là, et il existe des prix littéraires dans les autres pays. Des prix internationaux récompensent aussi des œuvres francophones, comme le Prix Senghor.

Enfin, des récompenses sont attribuées à des auteurs de toutes langues, comme le Prix européen de littérature, le Prix Hans Christian Andersen et bien sûr le prix Nobel de littérature. Ce dernier est la récompense littéraire la plus prestigieuse et la plus médiatique au monde. Elle récompense un écrivain ayant rendu de grands services à l’humanité grâce à une œuvre littéraire qui « a fait la preuve d’un puissant idéal ».

Je t’aime, moi non plus

Si ces prix font grimper les ventes, ils sont parfois aussi sujets à polémique.

Le prix Interallié a ainsi été appelé en 1998, par le quotidien Libération, « prix InterGrasset ». Polémique relacée en 2009 par L’Express. En effet, les éditions Grasset sont alors largement représentées dans le palmarès.

image-2417015_1280Le Goncourt a lui aussi été dénoncé comme affilié à certaines maisons d’édition. Gallimard, Grasset et Le Seuil seraient privilégiés par le jury. Pour contrer ces attaques, les règles ont été modifiées en 2008. Un membre du jury ne peut pas être en même temps rémunéré par une maison d’édition. On lui reproche aussi d’être passé à côté de grands auteurs et d’être trop académique dans son approche.

Le Renaudot, quant à lui, a été attribué en 2007 à Daniel Pennac, alors que son livre ne figurait pas sur la liste des ouvrages sélectionnés.

Même le prix Nobel doit faire face régulièrement à des contestations : empreint d’idéalisme, ses critères ne sont pas seulement la qualité littéraire des œuvres, mais aussi les valeurs véhiculées. Il n’est dès lors pas rare qu’il prenne une signification politique.

Quoi qu’il en soit, les prix visent la promotion, non seulement des quelques ouvrages primés, mais de la littérature en général. Personnellement, je m’intéresse plus aux coups de cœur de mon libraire, au bouche-à-oreille et aux articles et commentaires de blogs. Mais les prix font parler des livres et des auteurs, et je suis heureuse que, à cette occasion, les médias parlent de littérature.

Et vous, êtes-vous influencés par les prix dans vos choix de lectures ? N’hésitez pas à laisser un commentaire.

2 réflexions au sujet de « Les prix littéraires »

  1. Très intéressante cette petite présentation! Je suis tous les ans les prix littéraires et pourtant je n’étais pas forcément au fait de toutes ces informations.
    Par curiosité, il m’arrive souvent de lire des livres primés, mais ce n’est jamais mon seul critère de sélection – le synopsis et/ou l’auteur restent les raisons premières de mes choix de lecture.

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    1. Merci pour votre commentaire. Effectivement, on entend beaucoup parler des prix, mais on en sait souvent peu sur leurs histoires.
      Je pense que pour la plupart des gens, un prix littéraire peut inciter à la lecture, ne fût-ce que parce que le livre est mis en lumière parmi tous les autres, mais si le sujet n’intéresse pas la personne, le bouquin restera sur la table du libraire…

      Aimé par 1 personne

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